Traduction de Pierre Miscevic dans Sénèque, GF Flammarion, France,2003
I
1. Tu m'as demandé, Lucilius, pourquoi, si le monde est régi par une Providence, les hommes de bien sont si souvent exposés au malheur. e te répondrais plus facilement dans le cadre d'un ouvrage où je démontrerais qu'existent une Providence présidant à l'univers et un dieu présent parmi nous. Mais puisque tu désires que je détache une petite partie de cet ensemble et que, sans toucher au fond du problème, je réfute cette unique objection, je le ferai, et sans difficulté: c'est la cause des dieux que je plaiderai!
2. Il est superflu, pour le moment, de montrer qu'un dispositif de cette importance ne peut subsister sans un gardien; que le mouvement régulier des astres ne saurait être fortuit; que les produits du hasard sont soumis à des troubles fréquents et à de brusques chocs: que cette marche rapide et sans heurts, au contraire, obéit à une loi éternelle qui règle tant de mouvements sur terre et sur mer, et préside au déplacement de tant d'astres donc l'éclatante lumière tient à la place qu'ils occupents; qu'une matière errant à l'aventure ne pourrait posséder une telle organisation; que des rencontres accidentelles ne sauraient donner naissance à un monde aussi habilement composé, où la terre, avec son poids énorme,reste immobile en contemplant autour d'elle la course rapide des cieux; où la mer s'infiltre dans les vallées pour amolir la terre sans que les fleuves en grossisent le volume: où d'infimes semences donnent naissance à des plantes immenses.